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Jeunes aidants et études : "j’allais tout laisser tomber par sacrifice"

Une jeune étudiante fait des recherches internet sur la maladie de son père au lieu de faire ses devoirsa
Emeline
24ans
ancienne aidante de son père atteint de la maladie d'Alzheimer
Lieu de résidence

France

Emeline, 24 ans, revient sur la difficulté à gérer l’accompagnement de son père, atteint de la maladie d’Alzheimer et la poursuite de ses études, ainsi que l’importance d’en parler à un membre de l’équipe pédagogique.  

Si je n’avais pas eu mes amis, je n’aurais probablement pas continué mes études. J’aurais tout abandonné pour m’occuper de mon père. C’est eux qui m’ont fait prendre conscience que j’allais tout laisser tomber par sacrifice, et non pas parce que je le voulais. En plein milieu de ma première année d’études supérieures, mon père, âgé de 73 ans à l’époque, a été diagnostiqué de la maladie d’Alzheimer. Depuis le divorce de mes parents, quand j’avais neuf ans, j’ai toujours principalement vécu avec lui à Saint-Malo. Notre relation était très fusionnelle et lorsque je suis partie de la maison à 18 ans pour poursuivre mes études à Nantes, la séparation a été difficile à vivre. 

Trop peu de temps pour réviser à cause des démarches administratives  

Lorsqu’il a commencé à montrer des signes de déclin cognitif, j’ai mis ça sur le compte de l’acceptation compliquée de mon départ ou une façon me faire culpabiliser. Mais petit à petit, j’avais de plus en plus de doutes et des retours extérieurs sur des propos incohérents de sa part. 

Lorsque le verdict du diagnostic est tombé, c'était l’été. Je me suis débrouillée pour trouver du temps entre mes pauses et pendant les week-ends pour l’accompagner à ses rendez-vous médicaux. Puis, il a fallu reprendre les cours. Je me suis immédiatement lancée dans les démarches et demandes d’aides comme l’APA. L’assistante sociale, venue nous voir pour expertiser le dossier, m’a aidée à mettre en place les intervenants à domicile.  

Quand la rentrée est arrivée, je ne me suis pas posée de question sur une quelconque organisation. Je me suis dit que de toute manière “ça allait le faire”. Mais au bout d’un moment, j’ai commencé à beaucoup sacrifier mes études pour trouver le temps de faire les allers-retours et m’occuper de mon père. En début de deuxième année, mon oral d’anglais s’est très mal passé parce que je n’avais pas eu le temps de bien le préparer. Quand j’ai compris la déception de ma prof, je me suis effondrée. J’allais avoir une mauvaise note, non pas parce que j’avais raté, mais parce que je n’avais pas trouvé le temps de réviser. Je ne faisais que passer des coups de téléphone et remplir les dossiers administratifs pour mon père et dès que j’avais un instant de libre, je faisais des recherches sur sa maladie. Et tout ça me prenait énormément de temps.  

J’ai commencé à cumuler pas mal d’absences 

J'allais tous les week-ends chez mon père pour passer le plus de temps possible avec lui. Je m’imposais d’y aller en semaine aussi sur les journées les moins chargées. Inévitablement, la pathologie s’est aggravée. Il avait de plus en plus de mal à rester tout seul. Je n’avais aucune envie de rater des cours, mais malheureusement, j’ai commencé à cumuler pas mal d’absences. J’ai envisagé de raccourcir mon cursus scolaire et partir en BTS pour faire moins d’années, mais mon entourage m’a aidée à prendre conscience que ça n’était pas ce qu’il fallait pour moi. Et puis mon père avait tout fait toute sa vie pour que je puisse faire des études, c’est ce qu’il voulait pour moi et je ne voulais pas gâcher ça.  

Après l’épisode de mon échec à l’oral d’anglais, mes amis m’ont convaincue d’en parler à quelqu’un de l’école. Si je ne l’avais pas fait jusque-là, c’est parce que j’avais peur que personne ne comprenne et qu’on me dise que ça n’allait rien changer. En parler c’était aussi rendre la situation réelle alors que je n’avais pas du tout entamé ce processus d’acceptation.  

En parler à une personne de confiance au sein de l’équipe pédagogique  

J’ai choisi d’en parler à ma responsable pédagogique parce que c’était la personne que je voyais le plus souvent et en qui j’avais le plus confiance. Elle m’a vue seule à seule en s’assurant que personne n’allait écouter. Elle m’a totalement mise en confiance avant de mettre en place un système basé sur des rendez-vous entre elle et moi pour parler de ma situation, connaître mes besoins d’absences et un suivi pour savoir comment je tenais le coup. J'ai eu beaucoup de chance parce qu’elle s’est occupée de tout. Elle a fait le lien avec tout le reste du corps enseignant à ma place sans en dire trop, et tant mieux, car je n’avais pas du tout envie d’en parler aux autres profs. Le faire une fois avait été assez difficile comme ça.  

Tutrice : le poids de l’administratif en moins  

Personne ne m’a tenu rigueur de ma situation et c’était un poids en moins. La délégation de l’administratif à une tutrice m’a également soulagée. À la mise en place de la protection juridique, on m’a fait comprendre que je pouvais déléguer ce genre de chose. 

Je suis restée tutrice à la personne parce qu’il était indispensable pour moi de rester décisionnaire de la santé de mon père, mais savoir qu’une personne qualifiée s’occupait des papiers à ma place m’a rassurée. Je découvrais pour moi-même à l’époque tout ce qui était assurances et impôts et j’avais peur de faire n’importe quoi.  

Malgré toutes les aides du monde, la charge mentale et l’angoisse de savoir comment il allait était toujours présente. J’ai fini par obtenir mon Bachelor. Je ne suis pas fière à 100 % de mes projets d’études rendus, mais j’ai fait mon maximum et aujourd’hui, j'ai appris à accepter que c’était déjà bien. J’ai eu la chance de rencontrer des gens super qui ont tous été là pour moi lorsque ça m’est tombé dessus. Je ne me suis jamais sentie isolée de la vie étudiante et j’ai même pu en profiter. Mes amis étaient là pour moi, je ne regrette pas de leur avoir dit. Ils étaient fiers et même s’ils n’avaient pas les solutions à mes problèmes, ils étaient là et ça m’a beaucoup aidée.  

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Accepter de lâcher prise, accepter de ne pas pouvoir tout contrôler. J'ai appris à prendre du recul sur la culpabilité qui m'a toujours envahi lorsque je ne parvenais pas à tout concilier. J'ai eu besoin d'un travail sur moi pour comprendre que je n'ai pas à traverser seule les épreuves de la vie comme celle-ci, que je peux accepter l'aide des autres sans que cela ne représente un signe de faiblesse.

Mon conseil pratique

Il faut parler de sa situation à quelqu’un de l’école. Pas nécessairement quelqu’un de haut placé, mais une personne qui nous donne confiance qui pourra faire le lien et parler à votre place. 

Type d'acteur
Profil aide
Auteur
Bénédicte Demmer
Date de publication