France
Sylvain est l’aidant de sa maman atteinte d’Alzheimer qui vit chez lui. Selon lui, accepter de ne pas chercher à lutter contre la maladie et n'imposer aucune règle pour se concentrer sur les instants de partage permet à tout le monde de mieux vivre cette épreuve.
Selon moi, lorsqu'on est aidant d’un proche atteint d’une maladie neurodégénérative, l'important, c'est la bienveillance et l’acceptation de la maladie ainsi que ses conséquences. On ne peut pas lutter contre Alzheimer, la maladie est là et on ne pourra rien n’y faire. À partir de là, mon mari et moi, nous avons pris le parti, d’être simplement centrés sur ma mère et aux petits soins.
Je lui dis oui à tout et ne lui impose rien
J’accepte tout de maman et je ne lui impose rien. Elle se lève à l’heure qu’elle veut. Je sais qu’elle adore les pains au raisin, alors elle en a un tous les matins avec son jus d’orange. Pour une question d’organisation avec mes déplacements professionnels et le besoin de nous éloigner, au moins une heure pour pouvoir nourrir les animaux de la propriété, une aide à domicile vient faire sa toilette et l’habiller uniquement la semaine. Le midi, elle mange ce qu’elle veut. Comme à tous les repas d’ailleurs. La seule chose que je vérifie, c’est l’apport calorique.
Si je vois qu’elle ne veut pas manger ce que j’ai préparé parce qu’elle n’a pas envie, je l’accepte aussi. Elle aime les glaces, alors elle en a toujours une en dessert. L’après-midi, elle fait sa sieste ou elle se promène. Lorsque le soleil commence à se coucher, comme beaucoup de patients atteints d’Alzheimer, elle est victime de ce qu’on appelle la dépression crépusculaire. Elle nous dit souvent qu'il se fait tard et qu’elle doit rentrer chez elle. Je lui réponds toujours “tu vas bien prendre un petit apéro ?”. Lorsqu’elle reçoit sa coupe de champagne tous les soirs, que son regard s’illumine et que la sérénité est de retour, je me dis que j’ai tout gagné.
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Jardinage et cuisine au lieu des exercices de mémoire
Je pense qu’on ne peut pas y arriver, si on s’impose de continuer à rester dans une sorte de normalité. Il faut apprendre à vivre avec la pathologie et ne pas lutter contre. Il n’y a rien à faire de toute façon, la mémoire ne reviendra pas. Avec cette philosophie en tête, nous avons pris le parti de ne pas lui faire faire des exercices de mémoire. Pour moi, demander à une patiente atteinte d’Alzheimer de faire des exercices de mémoire, c’est comme demander à un paraplégique d’essayer de marcher. Ça n’a pas de sens. Au lieu de ça, elle fait des travaux manuels, du jardinage, de la cuisine parce qu’elle aime ça et elle peut encore le faire.
Assimiler cette évolution inévitable nous aide aussi à mieux vivre les questions à répétition. À chaque fois que je vais la voir, j’ai bien en tête que, même si je l’ai vu il y a deux minutes, elle ne s’en souvient pas. Je rentre systématiquement en lui disant : “Bonjour Thérèse comment vas-tu ?”. Le fait que je la tutoie et que je connaisse son prénom, la rassure et l’aide à se dire que nous sommes proches. Ce sont des choses qu’on apprend en vivant avec un patient Alzheimer. Ça ne sert à rien de lui dire que je lui ai déjà expliqué les choses plusieurs fois.
Il faut mieux préparer les aidants à ce qui les attend
Bien sûr, nous sommes dans des circonstances et une configuration environnementale exceptionnelles. Je tiens une maison d’hôte en Dordogne avec un grand terrain. J’étais infirmier anesthésiste et je vais bientôt prendre ma retraite. Mon mari est, lui aussi, professionnel de santé. Il vient de Polynésie. Là-bas, il n’y a pas d’EHPAD, alors culturellement parlant, il a tout à fait accepté que maman reste avec nous. Mais au-delà de ça, nous avons fait le choix de la bienveillance. Je crois que tout le monde n’est pas fait pour être aidant familial. Aujourd’hui, on considère qu’à partir du moment où on est aidant, on est quelqu’un de bien, mais ça n’est pas le cas.
Il faudrait déjà mieux préparer les gens à ce qui les attendent, faire une sorte de test pour savoir s’ils peuvent le faire ou non, car tout le monde ne peut pas le faire. Dans l’idéal, il faudrait aussi une vraie réflexion avant sur la compatibilité de l’aidant et l’aidé. Est-ce que la nature de lien entre soi et l’aidant fonctionne ? Ma mère est toujours souriante et tout va toujours tout bien pour elle. Je pense que si elle est comme ça aujourd’hui à 86 ans, c’est d’abord parce qu’avant la maladie, elle avait déjà un bon caractère, mais aussi parce qu’elle bénéficie d’un environnement social favorable. Elle participe à la vie collective du gîte. Lorsque c’est bien expliqué, les gens comprennent sa maladie et l’acceptent. L’intégration est importante pour les malades d’Alzheimer. Pour moi, ils ne doivent pas nécessairement être en institution.
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Etre dans l’acceptation et centré sur la personne.
Se former à être aidant : pour moi, c'est fondamental. Même avec la meilleure volonté du monde, lorsqu'on ne sait pas, on ne peut pas y arriver. J’ai été infirmier anesthésiste et pourtant je me suis rendu compte que je ne savais pas faire la toilette pour un patient Alzheimer. On m’a expliqué qu’il fallait toujours commencer par les pieds, masser et remonter petit à petit.