33300 Bordeaux
France
Léa, orthophoniste spécialisée en neurologie, explique comment son métier permet aux aidants et à leurs aidés victimes de maladies neurologiques à mieux se comprendre.
Je suis orthophoniste spécialisée en neurologie. Je reçois uniquement des patients adultes, atteints de pathologies telles que la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, la sclérose en plaque, et d’autres pathologies neurologiques ainsi que des patients qui ont fait un AVC. Je les accueille à mon cabinet ou bien je me rends à leur domicile quand ils ne peuvent pas se déplacer.
Faciliter la communication entre l’aidant et son proche
En plus de mon travail avec mes patients, je fais également des régulations avec leurs aidants. Comment comprendre son époux/épouse ou son parent qui petit à petit ou du jour au lendemain présente des difficultés neurologiques ? Il peut s’agir de fatigue chronique, troubles cognitifs (attention, mémoire, organisation, humeur etc…), difficultés à communiquer… Je les accompagne pour les aider à faciliter la communication avec leur proche, à gérer leur quotidien en mettant en place des aides concrètes quand cela est possible.
Ce travail avec les aidants peut prendre plusieurs formes. Souvent, ils m’appellent par téléphone pour me poser des questions. Lorsqu’ils accompagnent le patient en rendez-vous nous pouvons aussi prendre le temps d’en discuter. Si un accompagnement de l’aidant est nécessaire de façon plus approfondie, je le reçois en entretien individuel. Ça peut être important car il y a des choses qu’il ne dirait pas devant son proche.
Dans certaines pathologies (maladie de Charcot, maladie de Parkinson, etc…), ou pour les patients ayant subi un AVC, il y a aussi un travail important de rééducation des troubles de la déglutition. Dans ce cas, j’accompagne l’aidant et le patient pour adapter les textures et l’on voit ensemble les postures, les positions à privilégier pour faciliter la déglutition dans un contexte sécurisant, afin que le temps du repas reste un plaisir malgré les difficultés.
Aider l’aidant à accepter les changements chez son proche
Le fait que souvent la personne n’est plus tout à fait la même après un AVC ou avec la maladie est aussi difficile à accepter. On peut me dire par exemple :
- "Elle commence une activité, mais ne la finit pas, elle s’éparpille. "
- "On ne se comprend plus et son humeur change très vite. Elle est irritable."
- "Un rien le fatigue. Il est toujours fatigué pourtant nous n’avons rien fait de particulier. "
Tout comme pour le patient, qui doit apprendre à vivre avec ces changements, ne plus pouvoir se mouvoir ou se déplacer comme avant, ne plus pouvoir communiquer comme avant, l’aidant doit lui aussi accepter ces changements. Il faut réussir à faire le deuil de la personne telle qu’elle était avant.
Mon cheval de bataille : les troubles cognitifs invisibles
Les troubles cognitifs invisibles concernent tous les patients qui sont handicapés à cause notamment d’une fatigue chronique qui n’est pas récupérable par le sommeil. Même si visuellement il n’y a pas de séquelles, cet état de fatigue intense a un impact sur la concentration et la mémorisation de la personne. Comme cela ne se voit pas, l’entourage ne comprend pas : la famille, les amis, les collègues de travail, l’administration…
Il faudrait que cela devienne un point important dans le suivi des patients : ces difficultés ne sont pas forcément perçues et prises en compte par le monde médical, de ce fait aucune solution n’est proposée pour aider les patients à surmonter et vivre avec. D’ailleurs, nous organisons des actions de prévention avec mes patients et leurs aidants (stand d’informations dans les lieux publics, conférences etc…).
Les aidants sont souvent dans la culpabilité, j’essaye de les rassurer et de les alerter sur la notion d’épuisement. L’écoute est très importante. L’orthophoniste peut être un professionnel à même de percevoir l’épuisement de l’aidant et de l’orienter vers un professionnel adapté (psychologue, médecin, etc…). Il est important de les orienter vers des associations et de favoriser la rencontre entre aidants.
Ne pas rester tout seul, aller frapper à la porte d’un orthophoniste, d’un psychologue pour obtenir de l’aide. L’orthophoniste n’est pas qu’un thérapeute qui rééduque uniquement le langage mais tout ce que le cerveau commande. Je conseille d’en parler au médecin traitant ou neurologue pour demander une prise en charge orthophonique, qui aidera aussi l’aidant au quotidien.