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Accueillir ses parents chez soi : "impossible de tenir sur la durée sans faire de pause"

Une famille aidante profite du coucher de soleil sur la plage
Lieu de résidence

France

Michèle a accompagné et recueilli chez elle, ses deux parents malades jusqu’à leurs décès. Elle nous raconte l’importance de pouvoir placer son ou ses proches dépendants en séjour de répit pour pouvoir souffler un peu et du peu de solutions proposées quand le besoin se fait ressentir.  

Il est important de pouvoir se séparer de son aidé pour reprendre son souffle lorsqu’on est aidant de parents vieillissants ou un proche atteint de maladie chronique. J’ai été amenée à accompagner mes deux parents pendant huit ans. Quand on a une famille, des enfants, un travail et un mari, c’est très long et il est tout à fait normal de vouloir souffler sans l’aidé. Il est impossible de tenir sur la durée sans projet, sans vacances

J’ai travaillé pendant 11 ans dans l’équipe mobile de soins palliatifs en tant que soignante. Je connaissais bien le parcours des aidants pour les avoir côtoyés et particulièrement la question de l’épuisement. Nous avions à l’époque très peu de solutions à leur proposer pour respirer un peu et faire une pause. Je connaissais l’importance de prévenir l’épuisement physique et psychologique parce que lorsqu’il frappe, le chemin pour trouver une solution est long, laborieux et avec des propositions peu satisfaisantes pour l’aidé, comme pour l’aidant. J’en ai moi-même fait les frais, c’est ce qui m’a poussé à créer mon association Asdepal, avec pour projet la création d’une maison d’accompagnement pour des personnes atteintes, âgées ou atteintes de maladies graves, accompagnées au domicile par leurs aidants.. 

Embouteillages, travail, enfants… La difficulté des allers-retours pour aider l’autre 

Ma mère qui vivait avec mon père a commencé à déclarer des troubles cognitifs légers en 2010, qui sont devenus de plus en plus graves. Je vivais à Strasbourg à l’époque, à 70 km de chez eux. Mon père avait pas mal de difficultés à s’occuper d’elle parce qu’elle le sollicitait beaucoup et c’était difficile pour moi de voir ça. Au départ, je venais pour quelques tâches le dimanche et le mercredi. Je faisais les allers-retours en voiture avec ma famille, mais c’est rapidement devenu compliqué au niveau familial parce qu’il y avait des embouteillages, il y avait les enfants et moi, je travaillais. D’autant qu’à peine rentrée, mon père m’appelait pour me dire qu’il n’y arrivait pas et ce tous les soirs de la semaine aussi. C’était épuisant pour lui de s’occuper d’elle et pour moi d’être constamment sollicitée par lui. Un jour, j’ai décidé de prendre une semaine de congés et garder ma mère à la maison pour que mon père puisse respirer un peu et qu’il ne m’appelle pas. Le problème, c’est qu’à peine retournée chez elle à la fin de la semaine, il m’appelait de nouveau pour me dire qu’il ne supportait plus.  

Pendant 10 mois, j’ai eu mes deux parents chez moi  

J’ai donc décidé de proposer à mon père de garder ma mère chez moi, un peu, sans préciser de date, et que ce soit lui qui fasse les allers-retours quand il voulait venir la voir. Cette proposition a beaucoup plu à ma mère. On a donc fait ça un certain temps que je n’ai pas maitrisé. Et ce certain temps a duré 8 ans jusqu’au décès de ma mère. Et pendant cette période, mon père est tombé malade, un cancer.  

J’ai fait en sorte qu’il soit hospitalisé à Strasbourg, mais comme il ne pouvait pas rester seul chez lui, je l’ai aussi pris chez moi. Pendant 10 mois, j’ai eu mes deux parents avec ma famille chez moi. Mon père est décédé en 2014 et ma mère en 2018. Lorsque j’avais besoin de souffler un peu au quotidien ou d’aller travailler pour exercer aussi ma fonction, j’avais une aide à la maison que je pouvais faire venir à la demande. Mais quand j’ai vraiment eu besoin de partir en vacances loin ou de me retrouver avec ma famille, seule, sans mes parents, ça a été très difficile. 

Très peu de lieux de répit adaptés vous sont proposés 

J’ai pu trouver des séjours de répit pour personnes âgées qui prenaient ma mère trois semaines par an en Ehpad au début, mais lorsque son état s’est dégradé ça n’était plus du tout adapté. Souvent, lorsque je faisais des demandes, on ne me rappelait jamais. Il n’y a pas assez de lieux proposés particulièrement en cas de maladie avancée.  

La seule solution que j’ai trouvée a été de faire venir la personne qui s’occupait d’elle quand je travaillais directement à mon domicile et pendant la totalité de notre absence. C’est important que ce soit quelqu’un qu’on connait, sinon on ne part pas tranquille. Quant à mon père, j’ai dû voir avec l’oncologue pour qu’il puisse rester à l’hôpital. Ca m’a permis de partir avec ma famille. Mon père a compris ça et il était d’accord. Mais quand je suis revenue, il m’a dit qu’il n’y retournerait plus. L’hospitalisation est une solution d’urgence, mais elle n’est pas adaptée pour un séjour de répit. L’aidé est en milieu hospitalier, il n’est pas bien, il attend toute la journée que ça se passe dans une toute petite pièce. Ca n’est pas ce qu’on souhaite en tant qu’aidant.  

En organisant des cafés répit, j’ai pu constater que beaucoup d’entre-eux faisaient face aux mêmes problèmes que moi. On ne sait pas où mettre nos proches. C’est pour ça que j’ai décidé de créer le projet Asdepal pour pouvoir communiquer sur le besoin de répit des familles et le manque de solutions auquel elles font face auprès des politiques et des médias. L’idée c’est d’ouvrir une maison de vie et de répit qui permette d’accueillir jusqu’à 10 personnes gravement malades (âgées ou jeunes), accompagnées quotidiennement par un aidant pour un séjour allant de quelques jours à trois semaines. Le but est vraiment de mixer les types de personnes, pour ne pas retrouver le système des Ehpad où on ne trouve que des personnes âgées. On souhaite également un lieu pas trop médicalisé, un endroit à mi-chemin entre l’hôpital, l’Ehpad et la maison avec du personnel soignant libéral qui vienne ponctuellement, en fonction des soins prescrits.  

Michèle, ancienne aidante de son père atteint d’un cancer et sa maman atteint d’une maladie neurodégénérative, Strasbourg.  

Pour en savoir plus sur l’association :  Asdepal  

Asdepal est une association créée en 2014,qui regroupe professionnels de santé, bénévoles des soins palliatifs ainsi que des membres qui s’intéressent au sujet de l’accompagnement. L’association porte le projet de PALLIANCE : la création d’une maison d’accompagnement pour des personnes âgées ou atteintes de maladie grave, accompagnées au domicile par leurs aidants. Cette structure sera un lieu de vie. Elle sera expérimentale dans le Bas-Rhin. 

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Ma philosophie

Se raccrocher aux éléments positifs : c’est important pour oublier les difficultés. 

Mon conseil pratique

Rester en lien avec les autres : il est important de garder des liens avec les autres, les non aidants, les non aidés, parce qu’ils représentent notre vie d’avant. Sinon on reste en résonnance avec notre parcours d’aidants. Bien sûr que ça prend de la place mais il faut que tout le reste existe quand même.  

Type d'acteur
Situation du proche aidé adulte
Profil aide
Auteur
Bénédicte Demmer
Date de publication