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Maintenir la vie de famille quand l’un des parents est atteint d’une maladie grave

Un père en fauteuil roulant joue avec sa petite fille
Axelle Huber, épouse de Lénoard, atteint d’une sclérose latérale amyotrophique (SLA) et autrice du livre “si je ne peux pas marcher, je courrais” (Eds Mame). 
contenu en partenariat avec Hizy by handicap International
Lieu de résidence

France

Axelle Huber raconte l'impact de la maladie et l’annonce du pronostic vital de son mari, atteint par la maladie de Charcot (SLA), sur la vie de famille et celles de leurs enfants.

Ni Léonard, ni moi, n’avions entendu parler de la maladie de Charcot (SLA). N'ayant pas fait de recherche sur Internet non plus, nous n’avons pas compris à quel point c’était grave et à quel point le pronostic vital était engagé. Et c’est une chance qu’on n’ayons pas su l’évolution de la maladie de Charcot. 

Quand vous avez 37 ans, vous êtes marié et père de 4 enfants, âgés d’un an et demi à 6 ans, et qu’on vous dit que votre espérance de vie est de 3 à 5 ans, que vous allez perdre l’usage de vos membres pour finir par mourir étouffé, c’est insupportable. Heureusement qu’on n’a pas su ça la première année de la maladie, quand Léonard allait encore bien. Tout ça nous aurait sûrement bien plus plombés. La prise de conscience a été progressive et du coup, beaucoup plus douce. Nous sommes restés dans l’espoir, et nous avons été heureux d’avoir été sauvegardés par cette non-conscience. 

C’est comme ça, c’est la faute à pas de chance 

Lorsque le diagnostic et le pronostic d’évolution sont tombés, on s’est dit que c’était intolérable, que ce n’était pas juste ! Mais une fois que vous avez dit ça, qu’est-ce que vous faites ? La réponse à cette souffrance, elle n’est pas dans un état de révolte permanent. La colère est là, mais elle est contre la maladie. Elle pourrait être contre les médecins, mais ça n'a pas été notre cas. Plutôt contre la médecine de manière générale (on est capable de faire des choses incroyables et on n’est pas capable de guérir de la SLA ?). Mais on n’a jamais eu de colère face aux médecins. On savait qu’ils étaient démunis. On n’est pas vraiment rentrés dans la plainte du “Pourquoi nous ?”. 

On s’est dit “Voilà, c’est comme ça, c’est la faute à pas de chance”. Léonard avait cette propension à accepter les choses comme elles étaient, ce qui n’était pas mon cas, mais je vivais avec lui et j’apprenais aussi de lui. Il était d’une nature très sereine. Je l’ai rarement vu énervé quand il était très malade et que les enfants n’obéissaient pas, parce qu’il ne pouvait pas leur courir après ou leur parler. C’était toujours le même papa, et en même temps ce n’était plus le même papa. 

Avoir de jeunes enfants vous aide à vivre le moment présent 

C’était difficile pour lui de ne pas pouvoir parler comme il aurait voulu, de ne pas pouvoir aller où il voulait... Mais il a fait le maximum de ce qu’il a pu en fonction de l’avancée de sa maladie : il était présent quand les enfants revenaient de l’école, il les prenait sur ses genoux ou il jouait avec eux. Il ne pouvait plus faire tout ce qu’il faisait avant, mais il a été foncièrement là, dans l’être et non plus dans l’action. Et il a toujours été en lien avec les enfants. 

S’ils avaient tous eu plus de 15 ans, la relation aurait été différente. Parce qu’à 15 ans, vous êtes peut-être un peu moins dans un lien physique et plus dans la communication. Là, vu l’âge des enfants, Léo avait toujours ce lien très physique avec eux : les enfants grimpaient sur ses genoux, s’accrochaient au fauteuil en roller... je pense qu’au cœur de la maladie et des difficultés, ça a été une chance qu’ils aient cet âge-là, pour préserver ce lien très fort. 

Le fait d’avoir de jeunes enfants vous aide à vivre le moment présent, à être dans une pleine conscience que chaque petite chose peut vous donner de la joie, à la condition de réussir à ouvrir les mains pour les accueillir. 

Les enfants sont de grands donneurs de leçons pour ça, parce qu’ils sont à fond dans l’instant - avec, quand même, une vraie lucidité parfois, qui peut être assez déroutante. C’est un ressort incroyable quand on est touché par la maladie de son conjoint : vous vous levez le matin en vous disant que de toute façon, vous n’avez pas le choix, vous n’allez pas vous apitoyer sur votre sort parce que vous voulez que la vie soit la plus belle possible pour vos enfants. 

Gérer 4 jeunes enfants et la maladie de son mari  

Ce sont des enfants particulièrement gais, vifs et actifs. Ca a été et c’est toujours un grand bonheur de les avoir. C’est un espoir incroyable, c’est la vie qui est là et qui continue. Je pense que ç’aurait été sûrement beaucoup plus difficile de vivre la maladie de Charcot ou SLA et la mort de Léonard, si on n’avait pas eu d’enfants. Et en même temps, c’était difficile pour moi de gérer quatre enfants en bas âge et la maladie de mon mari.  

Je me sentais souvent déchirée entre ce qui était bon pour lui et ce qui était bon pour eux, et je ne parle même pas de mes propres besoins, qui passaient souvent à la trappe. Parfois, mon mari avait besoin de temps pour son repas, pour se reposer et les enfants, eux, avaient besoin d’action, qu’on les emmène se promener, mais ce n’était pas toujours le bon moment pour Léonard.  

L’entrée en fauteuil roulant : un tournant psychologique 

Et puis la maladie a évolué. Et pourtant il était confiant, il pensait qu’il ferait partie des 10 % de patients pour qui la maladie de Charcot cesse d’évoluer. Mais un jour, il est entré dans son fauteuil pour toujours. Il l’a fait en grande partie pour moi, parce que je n’arrivais plus à tout faire. Je pense que ça a été un tournant pour lui, d’un point de vue psychologique, de se dire : “Là maintenant, je suis devenu dépendant, je suis devenu handicapé. Ma femme et mes enfants sont jeunes et je ne peux plus faire ce que je faisais avant.” 

Il y avait le travail, qu’il a quitté beaucoup trop tard parce que c’était important pour lui de continuer, mais aussi toutes les charges du quotidien qu’on se partageait. Il lui a fallu renoncer à l’indépendance et à l’autonomie, accepter de l’aide et une certaine intrusion parfois. Mais comme je montais ma boîte à ce moment-là, Léonard m’a beaucoup soutenu, il me donnait son avis, il m’a aidé à faire le site Internet... ça maintient dans une dynamique, d’avoir un objectif. 

La mort, il n’a pas voulu en parler et je le regrette 

Léonard est décédé quatre ans après le diagnostic. Cette idée de la mort, moi, j’y pensais, ça m’habitait depuis longtemps. Quand j’étais jeune, j’ai eu un ami qui est mort dans un accident. Le jour de sa mort, il avait écrit sur son agenda : “Vis le matin comme si tu devais mourir le soir” et j’ai toujours gardé ça en tête. Je crois que depuis que je suis jeune, j’ai cette idée qu’on est mortels.  

Parfois, j’aurais aimé pouvoir plus parler de la mort avec Léonard, notamment dans ses derniers mois de vie. Pour savoir quelles étaient ses pensées, ses souhaits aussi. Il n’a pas voulu en parler et je le regrette.  

→ Vous vivez une situation similaire ? Trouvez de l'écoute et du soutien auprès des associations proches de chez vous sur Ma Boussole Aidants

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Ma philosophie

Savourer la vie parce qu’on sait qu’un jour on peut la perdre : c’est dommage que les gens ne réalisent pas plus à quel point on a tous une épée de Damoclès au-dessus de la tête, que le fait d’ancrer cette réalité au lieu de l’éloigner permet de redonner du goût et du sel à la vie. Mourir jeune est une réalité, c’est très dur mais heureusement que la valeur d’une vie n’est pas liée au nombre des années. 

Mon conseil pratique

Oser parler de la mort : pour moi, c’était évident de l’enterrer au cimetière d’à côté par exemple, parce qu’on le voit de notre fenêtre et qu’on est très attachés à cette ville. Mais après tout, peut-être qu’il aurait préféré être enterré avec son papa, je n’en sais rien du tout... 

Type d'acteur
Situation du proche aidé adulte
Profil aide
Auteur
Equipe Ma Boussole Aidants
Date de publication